
Les pénuries de médicaments, qui ont été très importantes dans l’actualité ces derniers temps, sont préoccupantes depuis des années, mais elles ont augmenté et affectent maintenant les médicaments largement utilisés.
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Quels médicaments sont concernés ?
Depuis plusieurs mois, les autorités sanitaires constatent des problèmes d’approvisionnement pour de multiples médicaments.
Deux ont particulièrement retenu l’attention, car largement utilisés : le paracétamol, un médicament omniprésent dans les armoires à pharmacie, et l’amoxicilline, l’antibiotique le plus prescrit en France, utilisé en grand-certains pour le traitement des angines et des otites chez l’enfant.
Sous paracétamol, les soucis remontent à l’été. L’agence du médicament (ANSM) a demandé aux pharmaciens de ne pas vendre plus de deux boîtes par patient, même si les fabricants assurent que leur production est suffisante pour répondre aux besoins.
Pour l’amoxicilline, c’est sous sa forme sirop – pour les enfants – que l’ANSM a identifié la semaine dernière des problèmes d’approvisionnement.
Les problèmes des derniers mois ne se limitent pas à ces deux médicaments. Ainsi, une compression a été signalée sur plusieurs antidiabétiques en septembre.
Une nouvelle philosophie ?
Non, mais ça s’aggrave, que ce soit en France ou dans de nombreux autres pays. La pénurie est un problème auquel les autorités et l’industrie pharmaceutique s’avouent confrontées depuis longtemps.
Pourtant, le phénomène prend de l’ampleur. En France, près de 2 500 risques de rupture de stock – ou d’absence de confirmation – ont été signalés à l’ANSM en 2020.
C’est une forte avancée, même si les autorités sanitaires la nuanceraient en réveillant un effet d’optique : la loi oblige de plus en plus les industriels à signaler en amont les risques de pénurie.
Mais il y a aussi une violation avérée en cours. “En 2021, 900 coupures de courant ont été signalées tout au long de l’année Là, on est à 600 sur un semestre, donc c’est clair que la situation empire”, a souligné ce week-end, dans nos colonnes, Thomas Borel, directeur scientifique du Leem, principal lobby français du secteur pharmaceutique.
Pourquoi ces problèmes ?
Il y a des raisons fondamentales, et d’autres plus circonstancielles, qui influencent le phénomène.
Le premier est lié à la mondialisation de la production de médicaments, qui s’est accentuée ces dernières années, entraînant une répartition des différents niveaux dans plusieurs sites à travers le monde. « Dans ce contexte, s’il y a un problème avec la chaîne de production […]le risque de faillite immédiate est très élevé », expliqué en 2019 le Leem.
L’actualité récente contribue également à capter l’appareil. L’industrie est pénalisée par l’inflation, en partie liée à la tension géopolitique née de la guerre en Ukraine. Ce contexte affecte, par exemple, la disponibilité des matières premières ou les coûts énergétiques des entreprises.
Enfin, même si le Covid est toujours là, l’épidémie se calme, et d’autres maladies reviennent après avoir été freinées par le confinement et autres restrictions sanitaires. C’est l’argument avancé par les autorités françaises pour expliquer le manque d’amoxicilline : selon les industriels, les fabricants ont été rattrapés par un fort rebond de la demande.
Quelles sont les solutions ?
A l’avenir, les autorités sanitaires sont en gestion d’urgence. Ils rationnent ce qui est disponible dans les pharmacies, appelant médecins et patients à comprendre. Pour un antibiotique comme l’amoxicilline, ils rappellent donc qu’il n’a aucun intérêt contre une maladie virale comme la bronchiolite, au milieu de l’épilepsie chez les bébés.
En France, les fabricants doivent également prévoir un stock minimum de sécurité pour certains médicaments. Mais l’industrie, comme certains observateurs critiques, souligne que ces mesures ne traitent pas les causes profondes du problème.
La nécessité de déplacer la production est relativement unanime dans les discours, du gouvernement aux hommes d’affaires en passant par les analystes, mais son niveau fait débat.
Le gouvernement lui a déjà donné des incitations financières “Faire revenir toutes ces industries qui produisent ces médicaments essentiels”se souvient ce week-end le ministre de la Santé, François Braun.
Pour certains, cependant, le gouvernement est loin d’être assez ambitieux. L’Observatoire sur la transparence des politiques des drogues, mis en évidence à gauche, appelle à un changement majeur, voire public, de la représentation des drogues.
Concernant le secteur pharmaceutique, il assure de sa bonne volonté en termes de mouvement, mais pointe le poids plus lourd de la réglementation en Europe. Il estime également que le système de santé publique français n’est guère incitatif en forçant des prix de détail bas.